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La grande histoire de l'hôpital : épisode 2

Publié le : 12/11/2018 14:44:28

Chaque mois, nous vous proposons de plonger dans la grande histoire des hôpitaux. Deuxième épisode de cette saga historique, conçue en partenariat avec la Société française d'histoire des hôpitaux (SFHH) : "des maisons d’hôtes à la fin du Moyen Âge"

Soucieuse de pratiquer sa vocation et d’étendre son influence, l’Église favorisa les fondations charitables. Les ordres religieux aménagèrent des lieux d’accueil près de leurs couvents, d’où l’appellation qui naîtra de « maisons-Dieu ou hôtels-Dieu », nom donné aux établissements de soins destinés aux « pauvres malades » depuis le Moyen Âge. Les termes d’hospices, de maisons hospitalières, voire de charités désignaient sous l’Ancien Régime des petites structures, plutôt polyvalentes ; mais, au-delà de la terminologie et de l’existence d’établissements spécialisés (aveugles, incurables, galeux, vérolés...), la diversité était de règle. Les hôpitaux généraux créés au XVIIe siècle recevaient en majorité des personnes âgées sans ressources et des orphelins. À la veille de la Révolution, au terme d’un long processus de concentration, on comptait en général, dans les grandes villes, deux grosses unités, à savoir l’Hôtel-Dieu (une centaine de lits en moyenne) et un Hôpital général (200 à 300 lits) avec, au total, environ 1 900 hôpitaux à l’échelle du royaume de France.

Les évêques et le contrôle des établissements

Le concile de Nicée (325) avait demandé à chaque évêque de créer un lieu d’hébergement des voyageurs et des pauvres. Le concile de Lyon, en 538, rédige le premier texte traitant explicitement de la fondation des léproseries, déclarant : « Dans chaque ville, il y aura un logis séparé pour les lépreux. Ceux-ci seront nourris et vêtus aux frais de l’Église par les soins de l’évêque ; ainsi ils n’auraient plus la volonté de vagabonder dans les cités avoisinantes. ».

En 549, le concile d’Orléans, présidé par l’évêque de Lyon, Sacerdos, rappela la prescription pontificale de réserver le quart de leurs revenus à la sustentation et à l’hébergement des voyageurs, des pauvres et autres indigents souffrant de la faim et de la maladie. Dans cet esprit, se développa la fondation d'institutions charitables, le terme d’hôpital, proche de son sens latin, désignant au Moyen Âge tout établissement pratiquant l’hospitalité.

Si la fondation d’un hôpital représentait une pia causa, œuvre pieuse destinée à soulager les « pôvres du Christ », les fondateurs entendaient s’assurer de la perpétuité de leur bonne action. C’est ainsi que, sauf cas très exceptionnel autorisé par l’évêque, la destination des fonds charitables donnés ou légués pour la création d’un établissement devait être respectée ad aeternum. L’évêque était le protecteur et le gardien des biens des pauvres, dont des biens hospitaliers. Porter atteinte à ces biens amenait à s’exposer à l’anathème irrévocable qui met le condamné au ban de l’Église avec le motif infamant de « meurtrier des pauvres ».   

L’évêque ou son représentant était appelé à visiter et surveiller les maisons charitables, s’attachant en particulier à ce que soit respectée la volonté des fondateurs. Son autorité, ou tout au moins sa surveillance, s’exerçait sur toutes les fondations hospitalières. Ce système était considéré comme présentant l’avantage de ne pas « fonctionnariser » la gestion hospitalière en imposant des charges lourdes aux budgets publics. Deux exceptions au pouvoir épiscopal demeuraient pour les établissements hospitaliers. D’une part, dans les établissements fondés par les rois ou les seigneurs et ceux où les pouvoirs des évêques n’étaient pas nettement établis, intervenait l'Aumônier du roi, lui-même ecclésiastique, (le Grand Aumônier du roi ne sera créé qu’au XVIe siècle), cela en vertu d’un principe formulé par Saint Louis. D’autre part, les établissements fondés par des communautés d’habitants (dans le Nord surtout), l’administration municipale – le « magistrat » – veillait à la bonne marche administrative, financière et disciplinaire des hôpitaux. Mais, comme on le verra, le pouvoir central cherchera à juguler la forte influence religieuse exercée à travers la gestion des hôpitaux, notamment à travers le Grand Aumônier du roi.

 

Sous les carolingiens

Charlemagne (742-814), qui sera suivi dans le même sens par Charles II, dit le Chauve (823-877), publia des capitulaires qui témoignaient de l’état misérable dans lequel étaient tombées les institutions charitables. Il ordonna de restaurer et rétablir dans leur prospérité les hôpitaux et les asiles des pauvres. Les rois carolingiens menèrent une politique attentive en faveur des pauvres et la réforme des chapitres cathédraux, initiée par saint Chrodegang de Metz, associa les chanoines à l’assistance. L’hôpital devint un élément permanent du quartier religieux. Cependant, malgré l’intervention royale pendant les IXe et Xe siècles, on ne trouve pas de traces, dans les textes, de fondations d’établissements et de donations aux hôpitaux : le développement des institutions charitables restait, en règle générale, moins fonction de la misère à secourir que des moyens et des personnes disponibles pour venir en aide aux déshérités et la société ne se trouvait pas encore suffisamment florissante pour subvenir à leur entretien.

Les croisades

Les croisades (1096 à 1291) suscitèrent des créations d’institutions charitables. Si les premiers ordres hospitaliers apparurent au moment des croisades, c’était pour secourir les pèlerins chrétiens et non pour porter aide à ceux qui étaient touchés par les grandes épidémies, sauf peut-être le mal des ardents, contre lequel luttèrent les Antonins à partir de la fin du XIe siècle, mais qui n’étaient pas constitués en ordre croisé. En revanche, les seigneurs et autres chevaliers, en faisant des dons, cherchèrent, avant de partir au combat ou en en revenant, à s’attacher les grâces du ciel, à se faire pardonner quelques péchés commis… voire à commettre.

 

Saint Louis

C’est en 1232 que Louis IX, dit Saint Louis (1214-1270), déjà soucieux d’établir le contrôle du pouvoir royal sur les établissements de bienfaisance, décida, en vertu du principe selon lequel tout ce qui touche à l’intérêt public est royal, que tout hôpital ne pouvant attester d’une origine bien déterminée serait réputé de fondation royale et placé, de ce fait, sous l’autorité de l’Aumônier du roi. C’est sous Saint Louis qu’on ainsi été posées les premières bases du pouvoir de cet Aumônier et les progrès de cette charge ont suivi la même marche que ceux des autres institutions. Saint Louis appliqua naturellement cette règle à l'hospice des Quinze-Vingts qu’il fonda et auquel il accorda des statuts. On vit ainsi l’Aumônier prendre progressivement la place de l’évêque dans le contrôle des hôpitaux. Les débuts de cet empiétement furent d’abord pondérés. Il s’accentua au fil des siècles pour devenir quasiment la règle sous François Ier (voir infra).

Saint Louis dota la France d’autres « aveugleries » comme celle de Caen. Nombre d’édifices furent construits ou réhabilités sur son ordre, comme les maisons-Dieu de Pontoise, Compiègne, Vernon dont les statuts sont parmi les plus anciens rédigés en français que nous connaissons. À Vernon, le roi assura toutes les dépenses sur ses deniers. Le chantier fut ouvert en 1256 ; la dédicace de l’établissement eut lieu le 6 septembre 1259 en présence du roi et de la cour. Les successeurs de Louis IX, surtout ceux du XIVe siècle, portèrent une dilection particulière à cet établissement en souvenir de leur glorieux et pieux ancêtre. 

Le premier Hôtel-Dieu de Paris, créé selon la tradition en 651 sous l'épiscopat de Landry, doit à Saint Louis des avantages fiscaux tels que l’exemption de péage pour les vivres destinés aux malades. 

À l’occasion du carême, le roi codifia les distributions d’argent, de blé et de harengs aux hôtels-Dieu, léproseries, monastères sans ressources et aux indigents. Enfin, notons que Saint Louis allait en personne visiter ou soigner des malades et des lépreux, ou encore leur apporter de la nourriture dans des maisons-Dieu.

Les finances des établissements 

Les finances des établissements charitables proviennent alors pour l’essentiel de revenus immobiliers. Selon une règle canonique, les évêques exigeaient lors de toute fondation d’hôpital, la constitution d’une dot immobilière soit en terrains cultivables, soit en bâtiments d’habitation. Les rentes ainsi procurées étaient indispensables pour faire vivre ces établissements destinés aux pauvres et aux mendiants, en l’absence de « patients » solvables, ou d’un prix de journée tel que nous le connaîtrons à partir du XIXe siècle. D’autres ressources plus aléatoires provenaient des dons, legs et quêtes.

Vers la fin du Moyen Âge, la situation financière des établissements de charité n’est pas inconfortable, mais plusieurs facteurs allaient contribuer à la dégrader. D’une part, les troubles qui accompagnèrent la guerre de Cent Ans (1337-1453) causèrent aux hôpitaux des destructions importantes. D’autre part, l’appauvrissement des hôpitaux – les finances étant obérées par la guerre – conduisit des religieux hospitaliers à considérer les revenus des établissements comme des bénéfices ecclésiastiques pour leur entretien personnel. La gestion et la discipline s’en ressentit gravement. Les mauvais exemples des hospitaliers sont frappants, comme ceux de l’Aubrac ou encore de l’hôtel-Dieu à Paris à la fin du XVe siècle : absences sans autorisation, injures en pleine salle, relations coupables… 

Le pouvoir central qui cherchait à juguler la forte influence religieuse exercée à travers les hôpitaux se saisit alors de cette situation pour « reprendre la main ».