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La grande histoire de l'hôpital : dernier épisode

Publié le : 26/03/2019 18:06:54

Chaque mois, nous vous proposons de plonger dans la grande histoire des hôpitaux. Cinquième et dernier épisode de cette saga historique, conçue en partenariat avec la Société française d'histoire des hôpitaux (SFHH) : du XIXe siècle à nos jours.

 

Deux grandes réformes marquent le XIXe siècle :

- La psychiatrie

La loi du 30 juin 1838 pose le principe de la création d’un établissement par département destiné à l’accueil des personnes souffrant de troubles psychiques. C’est la raison pour laquelle, bien que ces hôpitaux soient devenus autonomes en 1968 par rapport aux départements, leur conseil d’administration était présidé, de droit, par le « patron » du département : le président du conseil général ou son représentant, jusqu’à la loi Bachelot du 21 juillet 2009.

- L’autonomie des hôpitaux généraux

Rattachés à la commune depuis la loi du 7 octobre 1796, les hôpitaux et hospices deviennent autonomes par la loi du 7 août 1851. Juridiquement indépendants des communes, ils disposent désormais de la personnalité morale, donc d’un patrimoine et d’un budget propre : leur budget ne constitue plus une ligne du budget départemental. Les malades sans ressources peuvent être hospitalisés dans n’importe quel établissement : ce sont les communes d’origine ou les conseils généraux qui paient un prix de journée.  

 

Les progrès accélérés de la médecine au XIXe siècle (physiologie, anesthésie, asepsie et antisepsie, spécialités médicales) et de la recherche (Charles Darwin, Louis Pasteur, Claude Bernard, Gregor Mendel) bouleversent le mode de fonctionnement de l’hôpital public. La loi du 21 décembre rompt avec l’hôpital-hospice, ouvre l’hôpital public à l’ensemble des patients, avec les malades payants, organise les hôpitaux publics, alors très hétérogènes, selon trois niveaux de développement (CH régional, CH et hôpital local), dote le personnel médical d’un statut en adoptant le principe d’un corps médical recruté et rémunéré par les établissements, crée la commission médicale consultative, organise les services en chefferies, crée la fonction de directeur nommé par le représentant de l’État.

Enfin, la Libération verra la création de la Sécurité sociale avec les ordonnances des 4 et 12 octobre 1945, signées par le général de Gaulle et Alexandre Parodi. Dans ce nouveau contexte de développement de la protection sociale et des techniques médicales, la consommation hospitalière se trouve fortement stimulée.

La santé devient « une affaire d’État », celui-ci doit réorganiser le fonctionnement des institutions, en particulier des établissements de santé qui absorbent près de la moitié des dépenses de santé, d’autant que la loi du 14 juillet 1905 a prévu une assistance obligatoire de l’État aux vieillards sans ressources et l’hospice devient la structure centrale de l’organisation des secours. Mais la prise en charge aussi bien médicale que sociale des personnes âgées, selon Sylvie Grégoire, auteure d’une thèse consacrée à L’histoire de la gériatrie, n’existera vraiment qu’après la Seconde Guerre mondiale, avec la création d’unité de jour, et d’unité de gériatrie aiguë, de moyen séjour et de long séjour.

L’ordonnance, dite Robert Debré du 11 décembre 1958, met en place trois moyens de modernisation de l’hôpital public :

- le rapprochement et la coordination des activités de l’hôpital et des facultés de médecine (enseignement et recherche) ;

- la mise en place du plein-temps hospitalier ;

- le recrutement des médecins hospitaliers sur concours national et anonyme.

 

Les asiles de 1838, devenus « hôpitaux psychiatriques » en 1936, sont organisés, selon une circulaire de 1960, en secteurs de 70 000 habitants, même s’il faudra attendre dix ans pour que les premières organisations sectorielles fonctionnent véritablement et la loi du 15 juillet 1985 pour que le secteur soit légalisé.

 

La création de la carte sanitaire

La loi du 31 décembre 1970 portant réforme hospitalière crée le service public hospitalier en définissant les conditions d’association et de participation des établissements à ce service public, renforce les fonctions du directeur en en faisant le représentant légal de l’établissement et le seul ordonnateur des dépenses. Afin de mieux organiser la planification de l’offre de soins pour à la fois le rationaliser, le rendre plus équitable et assurer les complémentarités nécessaires, la loi crée une carte sanitaire et les décrets d’applications fixent des indices lit/population et des indices équipement/population dans le cadre de secteurs sanitaires de 200 000 habitants.

La loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales sépare la gestion des institutions sanitaires (hôpitaux) et celle des institutions sociales et médico-sociales. Les textes prévoient la disparition des hospices et le développement de structures d’accueil adaptées aux besoins gérontologiques.

Un taux directeur qui limite l’augmentation des dépenses hospitalières est arrêté chaque année à partir de 1978. Le financement des hôpitaux sur le mode du prix de journée (sa reconnaissance officielle remonte à la loi de 1941, avec celle d’une organisation en services spécialisés), dont la dernière réglementation date de 1953 reste cependant inflationniste (les hôpitaux ont intérêt à garder les malades le plus longtemps possible pour percevoir le prix de journée). Une loi du 19 janvier 1983 remplace alors la tarification journalière par un budget global annuel, versé chaque mois par douzième. Malheureusement, les dotations sont mal réparties et nombre d’hôpitaux se trouvent amenés à diminuer leur activité, tout en continuant à percevoir l’intégralité du budget global, puisque c’est la règle…

La puissance publique doit reconnaître l’inefficacité partielle des mesures prises pour freiner les dépenses de santé. De 1985 à 1990, la consommation des soins augmente annuellement de 5 % en valeur et 3 % en volume ; l’hospitalisation représente 48,2 % des dépenses de santé.

 

Une planification contraignante      

Une nouvelle réforme est alors entreprise avec la loi du 31 juillet 1991 qui vise à réduire le nombre des lits hospitaliers en s’appuyant sur une planification contraignante. À la carte sanitaire créée en 1970, vient s’ajouter un schéma régional d’organisation sanitaire qui limite les installations par discipline médicale, par activité coûteuse (exemple : réanimation, médecine nucléaire…), par équipement lourd (scanner, IRM…). Dès lors, commencent à fermer des maternités, des services de chirurgie, parfois dans la confusion, les autorités de tarification ou de planification (sécurité sociale, préfet, ministre) n’étant pas les mêmes selon le statut de l’établissement concerné.

Alain Juppé, Premier ministre, décide de remettre de l’ordre en instituant, avec l’ordonnance 96-346 du 11 avril 1996, une régionalisation étatique. Désormais, il n’existe plus qu’une autorité de tutelle pour la planification et la tarification : le directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation (instance nouvelle). Les établissements publics et privés sont soumis à une procédure d’accréditation. Deux textes compléteront cette réforme :

            - la loi du 18 décembre 2003 remplace le budget global par une tarification à l’activité médicale dans le cadre d’une enveloppe financière fermée pour éviter les effets inflationnistes de la multiplication des actes ;

            - l’ordonnance du 2 mai 2005 prescrit aux hôpitaux publics de s’organiser en pôles d’activité dans un souci de simplification et de déconcentration de la gestion, les pôles devant regrouper des activités communes ou complémentaires.

Cette même ordonnance de 2005 vient aussi compléter la régionalisation étatique de 1996 en instituant une véritable subrogation étatique qui donne au directeur de l’agence régionale de l’hospitalisation tous pouvoirs pour supprimer des emplois médicaux, imposer un budget au conseil d'administration, écarter un directeur dont la gestion est jugée insuffisante, en plaçant l’hôpital sous administration provisoire.

 

            Il convient également de citer la loi Kouchner du 4 mars 2002 sur les droits des malades qui donne notamment au patient :

            - un accès libre et direct à son dossier médical (avec une réserve pour la psychiatrie) ;

            - un droit à l’information claire et complète avant toute décision ;

            - la possibilité de désigner une personne de confiance pour traiter avec le médecin ;

            - le droit et le devoir d’exprimer un consentement libre et éclairé avant tout acte médical ;

            - une possibilité d’indemnisation, hors faute médicale, en cas d’accident, cela au titre de la solidarité nationale ;

            - en cas de faute médicale, la possibilité de recours à une procédure amiable.

 

Cette réforme pertinente reste cependant sujette à interrogations. Du droit des malades, le législateur est passé à un droit plus large, celui des patients, qui donne le sentiment d’une véritable mise en forme d’un droit des consommateurs de soins. Des associations d’intérêt sanitaire se sont créées, à l’instar des associations de consommateurs, avec parfois des objectifs de contentieux que des avocats à l’affût espèrent lucratifs. Cette évolution consumériste comporte un risque de dérive vers un droit de la méfiance, à l’opposé du droit médical et de sa philosophie qui reposent sur la confiance.

 

La loi HPST

Pour terminer, résumons les principes de la dernière loi hospitalière votée par le Parlement : la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST ou encore loi Bachelot. Allant bien au-delà du domaine hospitalier, elle concerne l'ensemble du champ sanitaire et médico-social. Elle modifie nombre d'articles du Code de la santé publique, mais aussi du Code de la sécurité sociale, du Code de l'action sociale et des familles. La loi HPST est une grande loi de santé publique par laquelle le législateur a voulu totalement impliquer l'État dans l'offre égalitaire et de qualité des soins. De la prévention aux soins chroniques, toutes les facettes de l'offre de soins sont concernées. L’État devient le véritable chef d'orchestre de tous les prestataires de soins. Par ses services déconcentrés en région, regroupés en agences régionales de santé qui se substituent aux agences régionales de l’hospitalisation créées par l’ordonnance du 11 mai 1996, l'État régente désormais l'ensemble des secteurs sanitaire et médico-social.

 

En forme de conclusion

L’hôpital public se révèle la plus ancienne de nos institutions, vieille de quinze siècles. L’institution compte aujourd’hui plus d’un millier d’établissements représentant 65 % des lits contre 35 % pour le privé. Il accueille chaque année plus de treize millions de patients. L’hôpital « aux 183 métiers » compte plus de 63 % des personnes employées dans le secteur de la santé. Il s’est démultiplié au fil des décennies avec, de nos jours, plus de soixante spécialités médicales, ajoutant à ses missions de soins, d’enseignement et de recherche, le volet social et médico-social de l’accueil des personnes âgées dépendantes.